Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
215
toire nationale qui inspira fortement l’artiste. Sur
une claie recouverte du drap mortuaire les corps
des deux gentilshommes sont étendus. Une main
et les deux têtes exsangues sont seules visibles. Un
moine dans le fond allume un cierge. Autour
des funèbres restes les gens du grand Serment
sont rassemblés et la physionomie de chacun
d’eux exprime’des sentiments différents. C’est chez
les uns la pitié, une douleur concentrée, un senti-
ment d’effroi; chez les autres une sourde colère,
l’expression d’une haine, d’un reproche amer, le
regard du justicier adressé à l’Espagnol, qui au
premier plan s’est découvert religieusement devant
les victimes. Ici l’aspect théâtral incontestable
résulte de la beauté même de l’œuvre, de l’intensité
même du drame.
Moins caractéristique des qualités du maître
et plus évidente de son artificialité est une œuvre
de la dernière manière de Gallait, d’un coloris moins
harmonieux d’ailleurs que celui que nous admirons
sur ses premières toiles. La Peste de Tournai fut
exposée à Vienne en i852; elle orne maintenant
une des salles du Musée moderne de Bruxelles.
Au milieu du peuple de Tournai, que le fléau
décime, un cortège bizarre s’avance. Des prêtres
portent une image byzantine de la Vierge, et
devant elle marche un homme recouvert d’un
cilice, le visage illuminé
par une flamme d’exalta-
tion, les deux bras éten-
dus en croix. Cette
effrayante figure qui con-
jure le Ciel d’apaiser sa
colère domine toute la
scène. Elle est le symbole
de la douleur humaine
qui s’étale aux pieds de
la sainte effigie, de la
détresse de ces hommes,
de ces femmes et de ces
enfants au visage pâle
ou jauni qui se dres-
sent, agonisants, à demi
morts, cherchant un
souffle de vie pour im-
plorer une dernière fois
la Vierge toute-puissante,
tandis que. des chiens,
des bestiaux, participant
à la misère universelle,
gisent pitoyables sur le
sol et qu’un enfant de
chœur, déjà atteint par la
maladie, agite tristement
sur toutes ces choses, sur
tous ces êtres moribonds,
la cloche funèbre annon-
çant le passage de la
procession.
*
* *
Tandis que l’école ro-
mantique assurait son
triomphe par des œuvres
parfois violentes, d’un
enthousiasme artificiel,
souvent éloignées de la
vérité, une sourde révolte
grondait parmi les ar-
tistes belges. Certes, ils
s’étaient lancés dans le
mouvement de bonne
toi et avec conviction
à la suite de Nicaise de
Keyser, de Slingeneyer et de Gallait; certes,
ils avaient trouvé dans ce mode d’expression
l’occasion d’exercer une incontestable maîtrise.
Ils comprenaient cependant que la formule un
moment adoptée ne s’adaptait pas aux instincts de
leur race, qu’il n’y avait point là assez de réalité,
assez de vie puissante et conquérante. Nous avons
vu Mathieu Van Brée et les directeurs de l’aca-
démie d’Anvers rappeler à leurs élèves le souvenir
des grandes traditions flamandes. Ces paroles pro-
noncées au temps de David n’avaient point été
oubliées à l’époque où d’autres dieux, Delaroche,
Delacroix,régnaient au firmament de l’art français.
L’école romantique prônait la passion, le mouve-
ment; elle prenait ses inspirations au moyen âge
et à la Renaissance; elle tentait de faire revivre
des siècles disparus, et pour atteindre son but elle
recourait souvent à des moyens artificiels, à une
érudition superficielle. On sentait cela chez nous, à
Anvers surtout, où le passé avait laissé des traces si
profondes. Un artiste allait naitre dans cette ville qui
renouerait les traditions du passé à celles du présent,
qui serait l’interprète de cette vie moyenâgeuse si
pittoresque, l’évocateur des scènes merveilleuses,
tragiques, émues qui au cours des siècles s’étaient
déroulées dans la grande métropole scaldienne.
Henri Leys naquit à Anvers en i8r5,et l’on peut
dire que dès que son'œil s’ouvrit à la vie il se fixa
sur les choses d’art qu’il devait pendant toute
sa vie aimer et reproduire dans ses œuvres.
Son père vendait, en effet, de ces petites images de
piété où la foi s’exprimait naïvement mais avec
Leys — Le magistrat présente les clefs de la ville d’Anvers a Marguerite de Parme
une tendresse souvent émue. Autour de lui se dérou-
lait le décor magnifique d’Anvers, la ville aux
vieux pignons, où les traditions du moyen âge et
de la Renaissance flamande subsistaient encore.
C’était à lui qu’était réservée la tâche de fixer sur
la toile ce décor merveilleux, de ranimer ces splen-
deurs éteintes. Et l’éducation religieuse, qui lui
fut donnée par sa
sensibilité du jeune
artiste.
On le destinait à
la prêtrise. Mais ce
n’était point à l’exer-
cice du sacerdoce
qu’Henri Leys vou-
lait consacrer son
existence. Sa vo-
cation était bien
arrêtée. L’influence
de De Braekeleer
l’avait déterminée
d’une manière dé-
finitive : il serait
peintre. Lespectacle
mère, développa encore la
Leys
magique de la vieille cité flamande s’était gravé
en lui. Il portait dans ses yeux et dans son cœur
la vision magnifique. Il la préservait avec amour
de tout contact étranger qui pouvait l’affaiblir et
la détruire. 11 n’alla pas à Paris, comme ses con-
frères; il s’écarta d’une route qu’il jugea funeste
pour l’originalité de son talent. Qu’avait-il à ap-
prendre à l’école si superbement artificielle de De-
lacroix et de Delaroche?
Ailleurs était son idéal,
ailleurs étaient les exem-
ples qu’il voulait s’impo-
ser. Il cherchait la vie, lè
pittoresque des vieilles
cités germaniques aux-
quelles s’appariaient l’his-
toire et le décor de sa
ville natale. Il voulut
remonter à ces origines
et, négligeant un peu
l’enseignement des ate-
liers et des maîtres, il
rêva de retrouver dans
l’âme émue et frisson-
nante des vieilles villes
allemandes un peu de
celle qu’il avait senti pal-
piter dans les rues tor-
tueuses et sombres de la
cité où son œil s’était ou-
vert à la vie.
Il visita Nuremberg,
Prague, Francfort où re-
vivait dans les monu-
ments l’histoire du moyen
âge; il vit les œuvres de
Holbein, de Cranach, de
Durer où se reflètent les
mœurs curieuses de l’Al-
lemagne du XVIe siècle.
Il n’imita pas ces maî-
tres, il reproduisit à peine
dans certaines de ses
œuvres le décor des villes
qu’il avait traversées :
Luther enfant prêchant
dans les rues d’Eisenach,
mais il avait découvert
le secret de vie qu’il cher-
chait. Satisfait de sa trou-
vaille, en possession dé-
sormais d’une inspiration
personnelle, il revint à
Anvers,où il devait trans-
crire, dans le langage
merveilleux qu’il avait compris, l’histoire de sa
ville natale.
Avec quelle maîtrise, quelle sûreté de coup
d’œil, quelle admirable ordonnance il évoqua cette
vie bigarrée du XVIe siècle, ces vieux bourgmestres