Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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BRUXELLES-EXPOSITION
UNE VILLE INTERNATIONALE
Réponse à la question posée par le Courrier de la
Conférence de la Paix sur la « Capitale des Etats-Unis
du monde ». Eloquent et juste plaidoyer en faveur de
Bruxelles.
Ecartons pour commencer la question de la
« Capitale du Monde », mais cherchons à expliquer
par suite de quelles causes Bruxelles est dès au-
jourd’hui un des centres les plus actifs de la vie
internationale.
Et c’est là un fait, non hypothétique, mais une
réalité acquise : Bruxelles, au cours du dernier
siècle, a été spontanément choisie comme siège
d’un nombre de plus en plus considérable d’insti-
tutions internationales, les unes dues à l’initiative
de souverains et de gouverne-
ments, les autres provoquées
par des particuliers, des
groupes et des associations.
L’enquête entreprise,
récemment à ce sujet a révélé
cette situation : Des 109
institutions internationales
permanentes qui existent
actuellement dans le monde,
17 n’ont pas de siège fixe,
42 sont domiciliées en Bel-
gique, 1 5 en Suisse et 2 seule-
ment en Hollande.
Cette part prépondérante
de la Belgique dans un
mouvement aussi spontané
est due à des causes générales et permanentes qui
agissent déjà d’ancienne date.
D’abord ce fait que la Belgique occupe topo-
graphiquement une situation centrale à l’égard des
grandes villes de l’Europe occidentale, c’est-à-dire
de cette partie du monde qui constitue le foyer
actuel de la civilisation. Bruxelles est à quatre
heures de Paris et à sept heures de 'Londres, ces
deux aimants du monde. Elle est à treize heures
de Berlin, onze de Bâle et trois de La Haye.
Ostende, sur la voie la plus directe et la moins
coûteuse d’Angleterre vers le centre du continent,
est la tête de ligne de l’admirable réseau des
grands express européens vers l’Allemagne et la
Russie, vers l’Autriche et la Turquie, vers la
France et le Midi, vers la Suisse, l’Italie et le
chemin traditionnel de la malle des Indes viâ
Brindisi et l’Egypte. Le port de vitesse de Zee-
brugge, inauguré l’année dernière,,,va devenir,
concurremment avec Anvers, l’escale,obligée des
grandes lignes interocéaniques; ainsi donc, quant
à la distance horaire, le bas prix et là-facilité des
transports, la Belgique occupe une position absolu-
ment unique.
Ces avantages topographiques seraient peu de
chose s’ils ne coïncidaient avec les prédispo-
sitions naturelles du peuple qui occupe Ih-terrifoire
belge. Or, précisément l’histoire a fait de la Bel-
gique une terre prédestinée à l’internationalisme.
Placée au carrefour de trois grands pays de civi-
lisations différentes, l’Allemagne, l’Angleterre et
la France, sa propre population constitue un amal-
game des races germanique et latine. Depuis le
moyen àge, avec des périodes de liberté et de
grandeur comme à l’époque des grands-ducs de
Flandre et des heures de sujétion et de sommeil
comme au XVIIIe siècle, les habitants de ce pays se
sont élevés lentement et progressivement jusqu’à
la constitution d’une nationalité autonome et
indépendante. Et les caractéristiques essentielles
de cette nationalité demeurent une harmonieuse
combinaison des facteurs anthropologiques, psy-
chiques et sociaux qui font la force de ses puissants
voisins avec une prodigieuse facilité d’assimilation
des éléments de progrès matériel et intellectuel,
d’où qu’ils viennent.
Par là l’esprit de ce petit peuple est devenu le
plus « mondial » qui existe, le plus compréhensif
de civilisations différentes et opposées. Tandis que
la Belgique ancienne apparaît dans l’histoire
Institut International de Bibliographie. — Salle des Répertoires.
comme le champ de bataille des nations, la Bel-
gique actuelle semble appelée à devenir de plus en
plus le creuset apte aux alliages et aux fusions
qu’exigent nos œuvres de progrès pacifique et inter-
national.
A la dualité éthique correspond la dualité de
langue; on sait y penser selon la psychologie d'une
race et s’exprimer en la langue de l’autre, avantage
précieux pour la compréhension et la diffusion des
idées, ces milieux différents, alors surtout que
l’une des langues officielles est le français.
Quant au point de vue politique, la Belgique
réalise aussi les conditions les plus favorables au
développement des œuvres internationales. A l’in-
térieur elle jouit du régime le plus complet de
liberté dont peuple ait jamais été doté : liberté de
réunion et d’association, liberté de la parole et
de la presse. Les étrangers, voire les proscrits et
les exilés volontaires, en ont toujours bénéficié
aussi largement que les nationaux. Dans ses rela-
tions extérieures, la Belgique jouit de la neutralité
garantie par d’anciens et solennels traités. Cette
situation est privilégiée en droit international. Elle
donne un fondement stable à la politique inter-
nationale du pays et, solidarise toutes ses aspi-
rations mondiales avec des idées essentiellement
pacifiques.
A ces causes diverses de « supériorité inter-
nationale » viennent s’ajouter celles d’ordre écono-
mique. Ce ne sont point les moindres à déterminer
les grandes orientations des peuples. L’expansion
économique mondiale est une nécessité pour la
Belgique. Son territoire est infime et sa population
prolifique. Cette expansion se traduit par un
échange constant au delà des frontières, non seule-
ment de produits, mais aussi d’hommes et de
capitaux. Pays de libre-échange presque absolu, la
Belgique est devenue comme un vaste atelier qui
importe les matières premières de ses industries,
la moitié presque de ses moyens de subsistance et
exporte les produits ouvrés par son travail. Parmi
les pays exportateurs, elle occupe le cinquième
rang absolu et le premier rang eu égard au chiffre
de sa population. Dans toutes les parties du monde
elle a créé des comptoirs, organisé des usines,
entrepris des travaux d’utilité publique, et ce mou-
vement intense d’hommes et de capitaux n’a pas
été sans un mouvement corrélatif des idées. Aussi,
est-ce en Belgique qu’on a vu se développer au
plus haut degré le sentiment de la coopération
entre les hommes par delà
les frontières et la claire
conception que les intérêts
peuvent s’organiser sur une
base mondiale. Pour ce
peuple, l’internationalisme
n’est plus un fait rare et
exceptionnel, une sorte
d’épiphénomène sans ' rela-
tions avec le reste de la
vie industrielle et sociale.
Il est, au contraire, pour
les Belges étroitement lié
au développement de leur
race, de leur nationalité,
de leurs intérêts. A mesure
qu’ils en prennent con-
science, on les voit affirmer de plus en plus la
volonté d’être des agents actifs de la paix du
monde et apporter eux-mêmes des contributions
positives à la grande œuvre de l’organisation
internationale.
Si telle est la Belgique, qu’est donc^ Bruxelles,
sa capitale? C’est aujourd’hui une très grande ville
d’environ 700,000 habitants (1).
Les « conditions mondiales » de la Belgique et de
Bruxelles que nous venons d’énumérer font certes
comprendre comment tant d’œuvres internatio-
nales ont établi là leur siège. Elles y ont fondé
il v a deux ans un Office central « en vue de
coordonner leurs efforts, de créer des services com-
muns, de réaliser la coopération et de [contribuer
ainsi à l’organisation de l’internationalisme paci-
fique ». Cet office s’appuie sur tout de travail déjà
accompli par l’Institut international de Biblio-
graphie, dont les vastes répertoires ont enregistré
plus de huit millions d’imprimés. ‘Toutes les asso-
ciations solidariseront leurs efforts, notamment
pour réaliser la grande œuvre de la -Documentation
Universelle et de la Bibliographie -Internationale,
ces « Archives de la civilisation ». ,U
Tels étant les faits. S’il fallait choisir aujour-
d’hui une « capitale des Etats-Unis du monde »,
il y a tout lieu de croire que de libres plébiscites
désigneraient pour cette fonction Bruxelles.
Paul Otlet.
(1) Voir pages 4 et 5.