Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1

232 L’EXPOSITION DE BRUXELLES LES GRANDES INDUSTRIES BELGES T.a Manufacture de Faïence de Keramis-Boch frères à La Louvière Atelier DES PEINTRES 11 est des industries dont il est intéressant de conter l’origine. C’est le cas pour la célèbre manu- facture de faïence de Keramis-Boch frères de La Louvière. MM. Victor et Eugène Boch, qui fondèrent cette usine, possédaient déjà les faïenceries de Sept- Fontaines-lez-Luxembourg et de Mettlah, sur la Sarre, créées respectivement, en 1767 et en 1809, par leur grand-père et leur père. Une part de l’idée d’installer une troisième manufacture en Belgique revient à M. le baron Jean-Baptiste Nothomb, qui fit partager à ses beaux-frères et associés la confiance qu’il avait dans l’avenir du pays, dont il avait été un des fon- dateurs. Mais, comment MM. Boch furent-ils amenés à jeter leur dévolu sur le territoire actuel de La Lou- vière pour y réaliser leur projets Ils étaient partis de Bruxelles en voiture, pour chercher un empla- cement propice et suivaient le canal de Charleroi, explorant ses rives. Les raisons économiques, examinées de concert par MM. Boch et le baron Jean-Baptiste Nothomb et qui avaient décidé la création de la troisième faïencerie, étaient les suivantes : la Belgique pos- sédait des charbonnages; on pouvait y recevoir par eau les matières premières de l’Angleterre; enfin, plusieurs lignes de chemins de fer y étaient déjà construites. La Louvière, à cette époque, — on était en 1840 — n’était pas la populeuse et industrielle cité actuelle; elle n’existait que dans l’embryon cons- titué par quelques maisons construites le long de la chaussée et dépendant de Saint-Vaast. Mais déjà le charbonnage de Sars-Longchamps était exploité. La Louvière était située sur le canal la reliant à Anvers, à la mer. Au surplus, une ligne de chemin de fer allait y passer bientôt. Le choix de MM. Boch était fait. Le 1er avril 1841, la première pierre de l’usine fut posée et la mise en marche dela fabrique, construite par M. Victor Boch, — qui assiste encore au succès de son œuvre, avec laquelle il s'identifia, — eut lieu le icr août 1844. Les ouvriers de la faïencerie de Keramis pro- vinrent, à l’origine, du grand-duché de Luxem- bourg, où M. Victor Boch les recruta parmi le personnel de l’établissement de Sept-Fontaines, la célèbre maison mère de toutes les usines Boch. Il y a longtemps, à présent, que toute une popu- lation indigène est devenue admirablement apte à toutes les opérations si délicates parfois du métier et Emaillage des assiettes de l’art du faïencier. Et quelle extension inouïe ont prise les ateliers de Keramis! Ils emploient aujour- d’hui treize cents ouvriers. Leur domaine ne compte pas moins de onze hectares dont neuf couverts, et leur production dépasse annuellement trois millions de francs ! On se ferait difficilement idée de la quan- tité d’objets que cette somme représente. La firme Bocli frères a créé d’autre part, en i863, une fabrique à Maubeuge qui s’est spécialisée dans la confection des carreaux de pavement en grès cérame. Mais parlons des produits de la faïencerie de La Louvière même. Ils comportent tous les genres. Depuis les articles les plus courants, fabriqués selon les types les plus divers adoptés dans le monde entier, jusqu’aux reconstitutions de faïences d’art les plus fameuses. Citons parmi les produits fabriqués en masse et dont il est exporté des quantités énormes : les assiettes, les bols,les tasses, tous les objets de ménage en faïence, en blanc ou décorés sur et sous émail. Mais tandis que la manufacture de Keramis accomplissait de véritables prouesses industrielles dans la fabrication des objets à bon marché, elle se créait un renom légitime en faïences dites de fantaisie, retrouvant le secret des plus prestigieuses manifestations de l’art céramiste : pâtes stanni- fères de Delft, Rouen, Nevers, Saint-Amand; faïences siliceuses de Rhodes et de Perse; émaux Deck; grès fins sculptés; applications de décora- tion en majolique et combien d’autres merveilles encore de goût et de richesse! Des artistes de grand talent sont attachés à la faïencerie de Keramis, mais avant de décrire leurs travaux et de donner une idée de l’importance de leur concours dans cette œuvre formidable et complexe, je vais essayer de traduire l’impression que j’ai éprouvée dans les différents services purement industriels de l’usine colossale.