ForsideBøgerExposition Universelle In… De L'exposition, Vo.l 1

Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1

Forfatter: E. Rossel

År: 1910

Sted: Bruxelles

Sider: 452

UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel

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244 L’EXPOSITION DE BRUXELLES aiment par-dessus tout, glorifient et vont chanter presque exclusivement la partie la plus faible du genre humain : la femme. C’est curieux mais non inexplicable : les Croi- sades avaient vidé les masures comme les manoirs de la plupart des hommes valides. Sauf les vieil- lards, les infirmes et les enfants, tous les mâles s’étalent enrôlés sous l’étendard du Christ et, seules, les femmes demeuraient au logis. Celles d’humble condition ne comptaient guère pour nos poètes; mais il y avait les châtelaines. Celles-ci, abandonnées à elles-mêmes, avaient tout loisir de s’occuper d’eux. Elles leur furent bienveillantes, elles leur furent protectrices; ils leur en furent reconnaissants. Et voilà l’origine de ce sentiment délicat du moyen âge pour celle que l’antiquité s’était plue à abaisser. La femme illustrée par la poésie romane, c’est un personnage nouveau de la société en formation : c’est la « Dame». La chevalerie va en faire la souveraine et l’idole. Exaltée par l'amour mystique, — autre nouveauté de l’époque — elle deviendra peu à peu la maîtresse des public; le peuple est de la fête; il y participe; il y joue un rôle. Ce sont les Cours d’amour. Les poètes ou « disciples de la gaye science » étaient sollicités d’y prendre part; les sujets à traiter en ces joutes pacifiques devaient tous se rapporter à l’amour, et, le jour du jugement, c’était un spec- tacle magnifique, imposant et vivant. Il y avait un tribunal dont tous les juges étaient du sexe féminin et que présidait la plus savante dame de l’assem- blée. On pouvait, en s’inscrivant d’avance, pré- senter à ce noble « Parlement d’amour » des pro- blèmes du sentiment qu’il était tenu de résoudre. Quant à la mise en scène, elle ne différait pas beaucoup de celle utilisée pour les carrousels : tout autour de la carrière, enguirlandée de fleurs, de feuillages, de rubans en festons et en astragales s’élevaient des estrades décorées, selon le rang des personnes à qui elles étaient destinées, de riches tapis, de pavillons, bannières, banderolles et écus- sons. C’est en grande cérémonie que les rois, reines, damoiseaux et damoiselles, menés en cor- tège, y prenaient place. Le tribunal, très orné, lui aussi, était au centre des lices et surélevé. Trois bien souvent que les aréopages féminins de ces. tribunaux fleuris rendirent des arrêts tellement excellents qu’ils devaient prendre force de loi. C’était à propos de tel différend relevant du point d’honneur, de l’un de ces traits d’indélicatesse ou de trahison sentimentales un peu subtils, sur quoi les femmes, bien mieux que les hommes, sauront prononcer sagement. La partie morale de cette jurisprudence archaïque devait, j’imagine, ressem- bler à ce qu’aurait pu être la cour des maréchaux de France sous Louis XIV, si l’opinion l’eût sou- tenue. L’opinion, au contraire, était on ne peut plus sympathique aux Cours d’amour. Bien que l’origine en fût essentiellement méri- dionale et troubadouresque, bien que le ciel bleu et le climat serein de la Provence et de la Gas- cogne y parussent nécessaires, il y eut également des cours d’amour dans le Nord. Des mariages successifs entre princes des pays de langue d’oc et de langue d’o/7, la réunion des comtés de Brie et de Champagne sous le sceptre d’un roi de Navarre, Thibaut IV, qui était un troubadour célèbre, avaient eu pour conséquence l’acclimatation et Les ORNEMENTS EN STAFF — Ouvriers AU TRAVAIL cœurs et de la pensée; inspiratrice des belles actions et des actions d’éclat, c’est elle qui souf- flera aux poètes leurs chants et les héros lui devront leur héroïsme. Désormais, on va envisager l’estime d’une femme comme la chose du monde la plus pré- cieuse, et l’amour sera érigé en principe suprême de la morale. II Voilà qu’on institue un code de galanterie; dans tous les pays de langue d’oc, on s’ingénie à rimer et à conter sous la direction des troubadours; on organise même des concours de littérature et ce que l’on a nommé des « tensons », sortes d’églo- gues mises en action, commencements rudimen- taires et lointains du théâtre français. Dans les châteaux, où les dames sont seules avec de rares chevaliers et des pages, ces divertissements pren- nent un caractère de grâce infinie et, aussi, de solennité; bientôt on inaugure, sous la feuillée, des tournois poétiques, avec le même cérémonial, les mêmes rites minutieux et formels, le même apparat imposés aux tournois guerriers; et cela est dames l’occupaient, que leur compétence en matière littéraire ou sentimentale avait désignées pour cet office. Les poètes concurrents, accom- pagnés d’une suite plus ou moins nombreuse, plus ou moins brillante, selon leur illustration et leur fortune, les poètes que précédaient des jongleurs et des musiciens, étaient, l’un après l’autre, annoncés par les héraults. Ils étaient tenus de se conformer strictement aux règles compliquées d’une certaine Loi d’amour édictée par André Le Châpelain et qui ne compte pas moins de trente et un articles. En voici quelques-uns : « ART. 9. — Qui ne sait céler ne sait aimer. » ART. 18. — Il ne convient pas d’aimer celle que l’on aurait honte d’épouser. » ART. 21. — Nul ne peut aimer s’il n’est engagé par l’espoir d’être aimé. » III Le succès des Cours d’amour fut immédiat et il alla toujours croissant du XIIe au XIVe siècle. Elles eurent sur les mœurs une influence prépon- dérante, et l’on peut affirmer qu’elles adoucirent et même moralisèrent celles-ci. En effet, il arriva dans les deux comtés précités et dans la Bourgogne, le Hainaut, le Brabant, la Flandre, de ces assises littéraires et galantes. A la fin du XIIe siècle, Sybille, fille du roi-trou- badour Foulques d’Anjou, qui avait épousé le comte de Flandre Thierry d’Alsace, fondait dans nos provinces les chambres de rhétorique, ces sociétés littéraires qui, en faisant aimer au peuple l’art de « bien penser et bien dire », dirigèrent le goût esthétique des Flamands et enflammèrent leur sentiment patriotique; en 1174, comme Thierry d’Alsace venait d’accorder un droit défini à la ville d’Ypres et d’abolir la servitude à Alost, il y eut dans ces deux villes de grandes fêtes en l’honneur du comte et de la comtesse de Flandre. Très probablement, une cour d’amour figurait à leur programme. Il y en eut une certainement en cette même année 1174 : la reine d’Angleterre, Eléonore de Provence, la comtesse de Flandre, Sybille d’Anjou, et la comtesse Blanche de Cham- pagne siégeaient à son tribunal. C’était une réplique de la cour d’amour dite « des dames de Gascogne » présidée par la vicomtesse de Narbonne, Ermengarde, qui avait eu lieu à Nar- bonne, peu de temps auparavant; et il se pourrait