Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
aiment par-dessus tout, glorifient et vont chanter
presque exclusivement la partie la plus faible du
genre humain : la femme.
C’est curieux mais non inexplicable : les Croi-
sades avaient vidé les masures comme les manoirs
de la plupart des hommes valides. Sauf les vieil-
lards, les infirmes et les enfants, tous les mâles
s’étalent enrôlés sous l’étendard du Christ et,
seules, les femmes demeuraient au logis.
Celles d’humble condition ne comptaient guère
pour nos poètes; mais il y avait les châtelaines.
Celles-ci, abandonnées à elles-mêmes, avaient
tout loisir de s’occuper d’eux. Elles leur furent
bienveillantes, elles leur furent protectrices; ils
leur en furent reconnaissants.
Et voilà l’origine de ce sentiment délicat du
moyen âge pour celle que l’antiquité s’était plue
à abaisser. La femme illustrée par la poésie
romane, c’est un personnage nouveau de la société
en formation : c’est la « Dame». La chevalerie
va en faire la souveraine et l’idole. Exaltée par
l'amour mystique, — autre nouveauté de l’époque
— elle deviendra peu à peu la maîtresse des
public; le peuple est de la fête; il y participe; il
y joue un rôle. Ce sont les Cours d’amour.
Les poètes ou « disciples de la gaye science »
étaient sollicités d’y prendre part; les sujets à traiter
en ces joutes pacifiques devaient tous se rapporter
à l’amour, et, le jour du jugement, c’était un spec-
tacle magnifique, imposant et vivant. Il y avait un
tribunal dont tous les juges étaient du sexe féminin
et que présidait la plus savante dame de l’assem-
blée. On pouvait, en s’inscrivant d’avance, pré-
senter à ce noble « Parlement d’amour » des pro-
blèmes du sentiment qu’il était tenu de résoudre.
Quant à la mise en scène, elle ne différait pas
beaucoup de celle utilisée pour les carrousels : tout
autour de la carrière, enguirlandée de fleurs, de
feuillages, de rubans en festons et en astragales
s’élevaient des estrades décorées, selon le rang des
personnes à qui elles étaient destinées, de riches
tapis, de pavillons, bannières, banderolles et écus-
sons. C’est en grande cérémonie que les rois,
reines, damoiseaux et damoiselles, menés en cor-
tège, y prenaient place. Le tribunal, très orné, lui
aussi, était au centre des lices et surélevé. Trois
bien souvent que les aréopages féminins de ces.
tribunaux fleuris rendirent des arrêts tellement
excellents qu’ils devaient prendre force de loi.
C’était à propos de tel différend relevant du point
d’honneur, de l’un de ces traits d’indélicatesse ou
de trahison sentimentales un peu subtils, sur quoi
les femmes, bien mieux que les hommes, sauront
prononcer sagement. La partie morale de cette
jurisprudence archaïque devait, j’imagine, ressem-
bler à ce qu’aurait pu être la cour des maréchaux
de France sous Louis XIV, si l’opinion l’eût sou-
tenue. L’opinion, au contraire, était on ne peut
plus sympathique aux Cours d’amour.
Bien que l’origine en fût essentiellement méri-
dionale et troubadouresque, bien que le ciel bleu
et le climat serein de la Provence et de la Gas-
cogne y parussent nécessaires, il y eut également
des cours d’amour dans le Nord. Des mariages
successifs entre princes des pays de langue d’oc et
de langue d’o/7, la réunion des comtés de Brie et
de Champagne sous le sceptre d’un roi de Navarre,
Thibaut IV, qui était un troubadour célèbre,
avaient eu pour conséquence l’acclimatation et
Les ORNEMENTS EN STAFF — Ouvriers AU TRAVAIL
cœurs et de la pensée; inspiratrice des belles
actions et des actions d’éclat, c’est elle qui souf-
flera aux poètes leurs chants et les héros lui
devront leur héroïsme.
Désormais, on va envisager l’estime d’une
femme comme la chose du monde la plus pré-
cieuse, et l’amour sera érigé en principe suprême
de la morale.
II
Voilà qu’on institue un code de galanterie; dans
tous les pays de langue d’oc, on s’ingénie à rimer
et à conter sous la direction des troubadours; on
organise même des concours de littérature et ce
que l’on a nommé des « tensons », sortes d’églo-
gues mises en action, commencements rudimen-
taires et lointains du théâtre français. Dans les
châteaux, où les dames sont seules avec de rares
chevaliers et des pages, ces divertissements pren-
nent un caractère de grâce infinie et, aussi, de
solennité; bientôt on inaugure, sous la feuillée,
des tournois poétiques, avec le même cérémonial,
les mêmes rites minutieux et formels, le même
apparat imposés aux tournois guerriers; et cela est
dames l’occupaient, que leur compétence en
matière littéraire ou sentimentale avait désignées
pour cet office. Les poètes concurrents, accom-
pagnés d’une suite plus ou moins nombreuse, plus
ou moins brillante, selon leur illustration et leur
fortune, les poètes que précédaient des jongleurs
et des musiciens, étaient, l’un après l’autre,
annoncés par les héraults. Ils étaient tenus de se
conformer strictement aux règles compliquées
d’une certaine Loi d’amour édictée par André
Le Châpelain et qui ne compte pas moins de
trente et un articles. En voici quelques-uns :
« ART. 9. — Qui ne sait céler ne sait aimer.
» ART. 18. — Il ne convient pas d’aimer celle
que l’on aurait honte d’épouser.
» ART. 21. — Nul ne peut aimer s’il n’est
engagé par l’espoir d’être aimé. »
III
Le succès des Cours d’amour fut immédiat et
il alla toujours croissant du XIIe au XIVe siècle.
Elles eurent sur les mœurs une influence prépon-
dérante, et l’on peut affirmer qu’elles adoucirent
et même moralisèrent celles-ci. En effet, il arriva
dans les deux comtés précités et dans la Bourgogne,
le Hainaut, le Brabant, la Flandre, de ces assises
littéraires et galantes.
A la fin du XIIe siècle, Sybille, fille du roi-trou-
badour Foulques d’Anjou, qui avait épousé le
comte de Flandre Thierry d’Alsace, fondait dans
nos provinces les chambres de rhétorique, ces
sociétés littéraires qui, en faisant aimer au peuple
l’art de « bien penser et bien dire », dirigèrent le
goût esthétique des Flamands et enflammèrent
leur sentiment patriotique; en 1174, comme
Thierry d’Alsace venait d’accorder un droit défini
à la ville d’Ypres et d’abolir la servitude à Alost,
il y eut dans ces deux villes de grandes fêtes en
l’honneur du comte et de la comtesse de Flandre.
Très probablement, une cour d’amour figurait à
leur programme. Il y en eut une certainement en
cette même année 1174 : la reine d’Angleterre,
Eléonore de Provence, la comtesse de Flandre,
Sybille d’Anjou, et la comtesse Blanche de Cham-
pagne siégeaient à son tribunal. C’était une
réplique de la cour d’amour dite « des dames
de Gascogne » présidée par la vicomtesse de
Narbonne, Ermengarde, qui avait eu lieu à Nar-
bonne, peu de temps auparavant; et il se pourrait