Exposition Universelle Internationale De Bruxelles 1910
Organe Officiel De L'exposition, Vo.l 1
Forfatter: E. Rossel
År: 1910
Sted: Bruxelles
Sider: 452
UDK: St.f. 061.4(100)Bryssel
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L’EXPOSITION DE BRUXELLES
3n
tome III (i) se rapporte à la place Fontainas,
aux rues des Bogards, des Alexiens, de Rolle-
beek, Bodenbroeck, des Petits-Carmes, du Pépin,
au boulevard de Waterloo et aux boulevards
extérieurs. Ici encore la statistique va triom-
pher, mais que d’impressions vives et profondes,
que d’émotion, que de tristesse nous allons
trouver, rien que dans le simple énoncé de
ces chiffres douloureux !
Dans ces divers quartiers, dont on a relevé
3,006 maisons ouvrières habitées par 26,319
personnes composant 6,756 familles, la plupart
des logements mal aérés, mal éclairés, peu ven-
tilés, voient rarement le soleil, ne sont guère
rafraîchis par l’air extérieur ; 1,097 maisons
(donc près de la moitié) sont absolument dé-
pourvues de jardin ou de cour, et leur état de
délabrement est inouï ; les ruelles ou impasses
où ces immeubles sont situés étant désignées
pour la démolition, leurs propriétaires se croient
des taudis infects s’élèveront bientôt d’autres
constructions. Mais que seront celles-ci en gé-
néral ? Hélas, il est trop facile de le prévoir,
ce seront ce qu’on nomme des maisons de rap-
port -, ne faut-il pas que les propriétaires du
terrain y trouvent leur compte ? Or, les vieilles
maisons actuellement existantes ou en démo-
lition dans les ruelles ou impasses des sections
centrales de la ville représentant pour ceux-ci,
dans leur caducité et leur ruine, un magnifique
rendement pécuniaire : là, jamais ni réparation
immobilière, ni renouvellement de peinture ou
de tapisseries : les infortunés locataires de ces
bicoques s’en sont constamment accommodés
ainsi ; ils ignorent l’aspiration vers le mieux,
payent relativement fort cher pour être à peine
préservés de la pluie, du vent, du gel, de la
poussière, et ne réclament jamais : le pauvre,
cela est bien connu, réalise pour celui qui pos-
sède des immeubles le locataire idéal.
On a beaucoup fait en vue du bien-etre de
celui-ci et de son aisance. Dirais-je qu’on a fait
le mieux possible ? Je ne l’oserais, car, parmi
les constructions nouvelles, élevées à l’intention
des travailleurs, il s’en trouve qui, en dépit de
vingt commodités et agréments dus au progrès,
me semblent tout aussi défectueuses, tout aussi
inquiétantes pour la santé publique que l’étaient
les affreux caravansérails d’antan. C’est que
l’espace y est encore plus mesuré, c’est que le
soleil s’y montre encore plus avare et que l'air
n’y est pas moins vicié. Ce dernier inconvénient
ne provient pas d’un défaut de soins imputable
au locataire ; loin de là ; M. Hellemans s est plu
à le reconnaître : la propreté, vertu innée de la
ménagère belge, est ce que l’on rencontre le
plus fréquemment dans les intérieurs pauvres.
Chez nous, l’indigence n’implique pas forcément
l’incurie.
Le malheur de ces habitations nouvelles, c’est
Rue du Chemin-de-Terre.
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^
vï
Impasse du Froment.
autorisés à les laisser tomber en ruines. Beau-
coup de ménages sont logés en des mansardes
dont la toiture percée ne les préserve que fort
imparfaitement des intempéries ; d’autres mé-
nages gîtent en des caves pestilentielles, où
ils voisinent avec des champignonnières. Des
pigeonniers, des poulaillers, des écuries, voire
des étables à vaches laitières, ou des auges à
porcs sont à proximité. Le service de l’eau
potable n’est pas toujours assuré dans ces antres
où les cheminées, quand ils en sont ornés,
refoulent la fumée à l’intérieur, et l’enquête
nous signale des groupes de maisons ne comp-
tant pas moins de 72 locataires, desservies par
une unique latrine I Si, à ces renseignements,
vous ajoutez ceux du recensement cadastral éta-
blissant que 45 pour cent des ménages habitant
ces régions désolées occupent une seule chambre
et qu’il est, parmi eux, des familles de 8, 10,
jusqu’à 14 personnes d’âges et de sexes diffé-
rents, dormant sous le même plafond, dans un
espace de 20 mètres carrés et moins, vous
aurez une idée de ce que peut recéler de misère
matérielle et morale, à deux pas de centres
d’élégance fastueuse, certains quartiers populeux
de Bruxelles.
III
Certes, il est consolant de penser qu’on pro-
jette de les assainir et d’en démolir plusieurs ;
qu’on a même déjà commencé. A la place des
bataillons carrés vermineux et pourris, à la place
(1) Qui n’a point paru encore et dont je vous ai
donné des extraits inédits.
Mais ce ne seront plus des logis de pauvres
que nous verrons bâtis en ces parages voisins
des artères les plus commerçantes, les plus opu-
lentes, les plus belles de la capitale : de nou-
veau, on y entassera, dans des immeubles de
trois, quatre et cinq étages, une population qui,
pour appartenir à une classe plus élevée de la
société, à la bourgeoisie, n’en sera pas moins
étiolée par le manque d’air. Cette fois, l’eau
potable sera distribuée avec abondance ; il y
aura des cabinets à l’anglaise et en nombre
suffisant ; le gaz ou, peut-être, l’électricité sera
partout, sans parler des ascenseurs et du télé-
phone : l’hygiène n’aura pas gagné grand’chose
au changement.
Toutefois, comme les loyers de ces maisons
modernes seront sensiblement plus élevés que
ceux des lamentables constructions de naguère,
ce n’est plus la classe laborieuse qui y élira
domicile, ce sera, je le répète, la bourgeoisie,
ce sera le commerce. L’ouvrier, lui, ira porter
ses pénates ailleurs, plus loin ; expulsé par
des transformations semblables, déjà nous
l’avons vu abandonner telles et telles régions
urbaines qui furent les siennes durant de longs
siècles.
Et c’est en prévision de cet inévitable exode
que l’Etat a dépensé tant et tant de millions,
que des compagnies financières ont élaboré
de philanthropiques combinaisons de prêts et
d’avances de fonds ; enfin, que des architectes
spécialistes ont construit, dans les faubourgs
et la banlieue de Bruxelles, d’innombrables bâti-
ments destinés au logement de l’ouvrier.
de devoir leur existence à la spéculation : s’as-
surer un gros intérêt du capital exposé pour leur
édification, voilà à quoi le propriétaire a tout
sacrifié, et les questions de salubrité et d’hy-
giène sont les dernières dont il ait pris souci.
La salubrité, l’hygiène, c’est l’air pur et la
lumière ; ce sont les fenêtres, les ventilateurs,
les cheminées ; c’est la dimension plus vaste des
pièces de l’appartement ; c’est la hauteur plus
généreuse des plafonds. Or, dans une capitale
vivante et riche, tout cela est coûteux, tout cela
vaut une augmentation sensible de la feuille
d’impôts.
Tant que l’exercice d’un système économique
plus juste n’aura pas donné ce résultat d’une
construction immobilière parfaitement conforme
à sa destination, réalisée à frais modiques et
telle, enfin, qu’elle puisse fournir au bailleur
(en dépit de certaines concessions faites à l’hy-
giène et à la salubrité), un intérêt suffisant ;
tant que le bailleur lui-même n’aura pas voulu
admettre que « suffisant » n’est pas « excessif »,
le problème du logement rationnel de l’ouvrier
des villes ne sera pas résolu.
D’ici-là, les sociétés financières et les Etats
eux-mêmes pourront s’intéresser à cette question
sociale si grave et lui prodiguer toutes leurs
bonnes volontés... ; on pourra faire des enquêtes
et entasser rapports sur rapports. Ceux-ci nous
confirmeront, par la tristesse affreuse de leurs
chiffres si éloquents, la permanence d’une vérité
trop certaine.
Marguerite Van de Wiele.
(A suivre.)