L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
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en seize ans; il était tombé à 723,419 en 1888.
Si la force productive du Brésil avait dépendu
de l’esclavage, elle aurait dû baisser à propor-
tion. C’est la contraire qui est arrivé. A ne con-
sulter que les statistiques agricoles, on ne
soupçonnerait même pas cette disparition gra-
duelle de la main-d’œuvre servile. De 177 mil-
lions de kilos pendant la période 1872-1877, la
production du café s’est élevée à 400 millions
pendant la période 1882-1887.
Ce café, quelqu’un l’a cultivé. Qui donc a
remplacé le nègre esclave? Ce n’est pas le nègre
libre, car il est un médiocre travailleur. C’est
l’immigrant européen.
Tant que subsistait l’esclavage, il était im-
possible d’organiser l’immigration sur une
grande échelle. Comment le blanc allant cher-
cher l’aisance au loin serait-il venu dans un
pays où il avait à subir la concurrence de tra-
vailleurs non rémunérés? La dépréciation de
la main-d’œuvre l’éloignait. Aussi est-ce seule-
ment depuis l'imminence de l’affranchissement
que le Brésil a pu détourner vers ses ports
quelques-uns de ces courants qui versent le
trop-plein de la population de l’Europe sur les
terres neuves de l’Amérique.
C’est-à-dire que tant que dui’ait l’esclavage,
nulle perspective ne s’ouvrait devant lui.
Quatre millions de blancs, mêlés à six millions
de nègres, d’indiens, de métis et de mulâtres,
ne pouvaient compter que sur le surplus des
naissances pour remplir un pays presque aussi
grand que l’Europe. Aujourd’hui, au contraire,
les immigrants commencent à affluer et le
Brésil peut rêver une destinée aussi prompte
et aussi brillanle que celle de son rival en éten-
due, les États-Unis de l’Amérique du Nord. Le
grand acte d’humanité qu’il vient d’accomplir
a causé quelques ruines particulières parmi les
propriétaires d’esclaves, mais il a désobstrué
son avenir.
Le Brésil presque tout entier est situé entre
les tropiques. San-Paulo, Minas-Geraes, où se
porte de préférence l’immigration italienne,
sont des provinces tropicales. A priori, il semble
que l’Européen ne saurait se livrer à une occu-
pation manuelle sous le climat que de pareilles
latitudes supposent; mais il faut se rendre à
l’évidence, ce pays jouit à ce point de vue d’im-
munités particulières. Les plateaux élevés qui
bordent la côte offrent au Sicilien une tempéra-
ture sensiblement semblable à celle qu’il a
quittée ; les chaleurs ne sont pas plus fortes, la
différence est qu’elles sont plus constantes et
qu’il n’y a point d’hiver. Aussi les immigrants
s’y accoutument-ils fort bien; ils y travaillent
la terre ; ils y prospèrent. On évalue à dix mil-
lions de lires les sommes qu’ils font passer
chaque année en Italie.
Les Allemands et les descendants d’Allemands
qu’on appelle Tenions colonisent plus volontiers
dans les provinces méridionales, qui sont plus
tempérées. On dit qu’ils sont dès maintenant
180,000.
M. de Santa-Anna Nery et ses collaborateurs
sont persuadés que cette salubrité du climat
brésilien s’étend jusqu’au bassin de l’Amazone.
En dépit de l’autorité des naturalistes Agassiz
et Wallace et de quelques autres observateurs
qu’ils citent, j’avoue que je conserve mes pré-
ventions; je ne puis, jusqu’à plus ample expé-
rience, me résoudre à croire que celle immense
plaine basse et humide, soumise aux rayons
directs du soleil équatorial, devienne jamais un
habitat où la race blanche pourra vivre d une
façon continue et se reproduire. Le fait serait
sans précédent dans l’acclimatation; ce n’est
point une raison pour qu’il ne se produise pas;
seulement, jusqu’à ce qu’il soit confirmé, authen-
tique et indéniable, un peu de scepticisme est
permis.
Mais si les blancs ne peuvent pas résider en
permanence dans les pays trop chauds et s’y
livrer à l’agriculture, ils peuvent y résider
temporairement et s’y livrer au commerce.
Aucun point du monde ne saurait se soustraire
à leur activité. Même réduit à ce rôle de pays
d’exploitation, l’Amazonie a une importance
économique dont il est impossible actuellement
d’apercevoir les limites.
De tous les laboratoires terrestres où la na-
ture s’est livrée à la création des formes végé-
tales et animales, aucun n’a été aussi fécond.
Agassiz en donnait une idée en comparant aux
cent cinquante espèces de poissons que donnent
toutes les eaux de l’Europe réunies les 1,200 es-
pèces qu’il avait pêchées dans un seul petit lac
au bord du fleuve. 11 en va de même pour les
espèces de plantes, qui sont innombrables. Les
forêts, merveilleuses par l’opulence de la végé-
tation, le sont aussi par la variété des essences.
C’est un répertoire de richesses naturelles que
l’homme est loin encore d’avoir complètement
inventorié.
La plus recherchée en ce moment est le
caoutchouc, qui a produit en Amazonie une
fièvre d’immigration assez semblable à celle de
l’or en Californie jadis. Beaucoup de Brésiliens
y sont accourus; la seule province de Ceara
(désolée, il est vrai, par une succession de
sécheresses) s’est vue abandonnée par 60,000 de
ses habitants. Beaucoup d’étrangers aussi. Les
maisons françaises ont, avec les maisons por-
tugaises, la part la plus importante à ce com-
merce.
Le caoutchouc n’est autre chose que la sève
de divers arbres. Le chercheur de caoutchouc,
après avoir reconnu une forêt, y trace des sen-
tiers, entaille les arbres, place au-dessous de la
plaie des vases où tombe la sève, puis tous les
soirs il vide ces vases et ramasse la sève dans
des seaux. C’est alors un liquide épais et blanc
comme du lait. Le chercheur de caoutchouc
allume un feu où il jette les fruits d’un palmier
qui ont la propriété de produire une fumée très
épaisse. Il trempe une espèce de pelle dans l’un
des seaux et la passe au-dessus de celte fumée;
le liquide qui est resté autour se fige alors en
caoutchouc; il la retrempe dans le liquide, la
repasse dans la fumée et répète l’opération jus-
qu’à ce qu’il ait obtenu une grosse boule. On
verra des échantillons de ces boules à l’Expo-
sition; comme on les a fendues en deux par le
milieu, on pourra observer les couches succes-
sives formées autour de l’empreinte de la pelle.
Ce procédé a des inconvénients : il est long, il
mélange le caoutchouc de suie, et il abîme la
vue des chercheurs exposés à l’épaisse fumée.
On vient d’en découvrir un infiniment plus
simple : un peu de sucre mêlé à la sève suffit à
la faire prendre. On voit aussi à l’Exposition
des échantillons de caoutchouc ainsi obtenu.
En 1867, le port de Para, par lequel se font
toutes les expéditions de l’Amazonie, n’exportait
que 3 millions de kilogrammes de caoutchouc.
En 1888, il en a exporté 15 millions.
D’autres produits naturels sont exploités,
mais avec des intermittences qui dépendent des
variations des prix du caoutchouc. Le caout-
chouc baisse-t-il, les aventuriers qui battent
les forêts amazoniennes cherchent d’autres
récoltes. Le cacao et les toucas, dont on extrait
de l’huile, donnent les plus importantes. Un
industriel a exposé, dans une des travées du
palais des Industries diverses, du côté des Arts
libéraux, quatre cacaoyers de grandeur nature,
portant des fruits, dont quelques uns sont ou-
verts de manière à laisser voir les graines qui
fournissent le cacao. Cette reproduction artifi-
cielle est fort bien faite.
J’imagine que l’agriculture tendra de plus
en plus à se spécialiser. Ce sera le résultat de
la facilité des communications entre les di-
verses parties du globe.
L’idéal de l’ancien paj^san français, qui vi-
vait très isolé dans son village, était de récol-
ter tout ce qui était nécessaire à sa maison. Il
en arrivait à se passer entièrement des autres,
mangeant son blé, buvant son vin ou son ci-
dre, tissant sa laine et son chanvre. U n’ache-
tait rien, mais il ne vendait rien non plus, et la
diversité de ses cultures, en le retenant toute
l’année couché sur la terre, lui faisait une
existence extrêmement pénible pour de très
maigres profits.
Les agriculteurs à qui il est possible de se
consacrer à un seul produit sont bien moins
accablés de travaux. M.Daireaux raconte dans
son ouvrage sur la Vie et les mœurs de la Plata,
comment il suffit au laboureur argentin de
deux mois de fatigue pour ensemencer et ré-
colter son blé. Après quoi le reste de l’année
est pour lui un long loisir. Il me parait pro-
bable que chaque région du globe tendra ainsi à
porter tout son effort sur la culture qui lui con-
vient le mieux et à demander aux autres, par
voie d’échange, les denrées à la production des-
quelles elle est moins propre. Une grande di-
minution de peine s’ensuivra pour le paysan.
Si cette division du travail agricole est opé-
rée un jour, le Brésil sera certainement la terre
réservée au café. Depuis l’Amazone jusqu’au
Rio-Grande-do-Sul, c’est-à-dire dans toute sa
longueur, le café se plaît sur ces terres monta-
gneuses et sur ces plateaux. Il serait capable
d’en fournir à lui seul le monde entier, et déjà
les prix auxquels il le produit en ont décou-
ragé la culture dans d’autres pays moins favo-
risés. L’Exposition da Champ de Mars offre au
public une collection d'échantillons extrême-
ment variés. Le café a ses crus comme le vin
et naturellement, sur une aire aussi étendue,
il en pousse de toutes les qualités. A une extré-
mité de l’échelle, les premières qualités ont le
grain petit et rond du moka; à l’autre, le
mariagogipe montre des graines d’une dimen-
sion extraordinaire, mais dans lesquelles la
saveur n’est pas en raison de la grosseur. On
l’a vu plus haut, la production du café au Bré-
ils s’est élevée à 400 millions de kilos pendant
Ja période 1882-1887. Elle a presque décuplé
depuis cinquante ans.
Les cultures brésiliennes qui fournissent les
plus fortes exportations après le café sont, par
ordre d’importance, le sucre (30 millions de
francs pendant les années 1884-1887) et le coton
(30 millions pendant la même période). Toutes
deux présentent cette particularité locale,
qu’elles sont possibles et rémunératrices pour
les petits cultivateurs. Un immigrant fait le
travail de deux hectares de cannes à sucre ou
de trois hectares de cotonniers. 11 vend ses
cannes à des usines centrales dont le gouverne-
ment brésilien encourage la fondation en leur
accordant une garantie d’intérêt.
Puis viennent, comme articles d’exportation,
les tabacs, dont la régie française achète d’assez
grandes quantités; les cuirs fournis surtout par'