L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
Søgning i bogen
Den bedste måde at søge i bogen er ved at downloade PDF'en og søge i den.
Derved får du fremhævet ordene visuelt direkte på billedet af siden.
Digitaliseret bog
Bogens tekst er maskinlæst, så der kan være en del fejl og mangler.
L’EXPOSITION DE PARIS
143
petit portrait de Femme en jaune,
M. Dewing, au contraire de M. Stewart,
a du charme ; il est coloriste et poète à la
fois. M. Johnson, dont le talent se ratta-
che plutôt à l’École anglaise qu’à la nôtre,
a montré les plus belles qualités de cou-
leur et de solidité dans la grande, étude
d'intérieur qu’il intitule : Deuxhommes.
Dans une pose naturelle et pleine d aban-
don, les deux amis, accoudés sur leurs
chaises, s’entretiennent à cœur ouvert
dans le fumoir. On sent là un parfum de
vérité qui s'impose. M. Story, qui s’est
lancé avec fougue dans les sujets histori-
ques, et qui nous a montré, dans son
Prince Noir sur le champ de bataille de
Crècy, do vaillants morceaux de peinture,
témoigne, dans le Portrait de mon père,
d’une mâle énergie. M. F.-D. Millet, qui
se partage entre les deux sections d An-
gleterre et des États-Unis, expose une
jeune femme en robe noire, décolletée
en triangle ; M. Forbes, une jeune fille en
noir sur fond bleu, modelées dans une
pâte à la fois grasse et solide. Je termine
par le coin d’atelier où M. Beckwith a
inséré le portrait de M. Wallon, et par
une superbe aquarelle de M. Rolshoven,
VHomme à la cigarette. M. Rolshoven
est de la race de ces délicats luministes
qui se complaisent dans les effets de lu-
mière des jours gris ;mais son exécution
n’en est pour cela ni trop atténuée ni
trop molle, et sa tète d'homme, coiffée
d’un gigantesque haut de forme, garde
un relief et une vigueur qui me surpren-
nent.
Luministes aussi, et de tout premier
ordre, MM. Melchers et Walter Gay, l’un
avec ses intérieurs hollandais, si caracté-
ristiques, si profondément étudiés, si
sincères et d’une exécution si irréprocha-
blement forte, l’autre avec ses scènes
rustiques d’un sentiment si poétique et
si juste, accentué parla savante harmonie
de ses tons gris. Tous deux, chacun en
leur genre, sont des maîtres.
C’est dans la pleine lumière, sous le
jour éclatant d’une fenêtre, sur des chai-
ses de paille dont le dossier, luisant et
ciré, s’allume de points brillants sous le
soleil, que M. Melchers a placé, dans une
attitude recueillie, les Femmes de Hol-
lande à l'église. Tandis qu’elles écou-
tent, absorbées, les enseignements graves
du pasteur, une d’elles, une toute jeune,
s'est doucement endormie, excitant l’in-
dignation d’une vieille, qui la regarde
avec une profonde stupeur. Au dernier
plan, contre le mur, appuyés sur la ta-
blette du banc d’œuvre, deux vieillards
en redingote, à peau parcheminée, sui-
vent avec la même atlenlion que les
femmes les paroles du prédicateur. Et je
ne sais ce qu’il fau t le plus admirer dans
cette toile, ou de la merveilleuse fermeté
du dessin, ou du charme exquis de la
couleur. Toutes ces tètes sont autant de
portraits, d’une conscience et d un scru-
pule infinis, et le ton lilas des cor-
sages marié au bleu clair du banc d œu-
vre est d’une fraîcheur de tons délicieuse.
Mais le Prêche en Hollande n’est pas
l’œuvre unique de M. Melchers ; il s’im-
pose par une autre grande toile, la Com-
munion, et par une scène d intérieur,
les Pilotes, qui est à mes yeux son mor-
ceau de maîtrise. Nous sommes encore,
dans l’un et l’autre tableau, en Hollande,
et le premier nous représente un décor
analogue à la toile du Prêche. Accoudés
à une longue table, où chacun prendra
tout à l’heure le pain sous les espèces
duquel il'communiera, paysans et, pay-
sannes, attentifs, la physionomie éclairée
d’une foi simple, boivent l’exhortation du
pasteur. Ils n’ont rien, ces êtres naïfs, de
la régularité de traits, de la beaule dont
la peinture académique fait une loi aux
peintres nourris à scs leçons ; mais le
sentiment profond dont ils sont animés
transfigure et ennoblit ces faces mornes,
et je ne sais rien de plus touchant que ce
simple. Loin de songer, comme l'ont fait
des critiques, à reprendre la laideur de
ces types, je les trouve beaux comme les
Christs de Rembrandt, illuminés par la
beauté de leur âme. A la gravité austère
de cetto scène s’ajoute l’austérité de la
couleur, où les noirs dominent, et les gris.
Lumière grise encore, mais bleutée,
avec des images opaques sorties de la
fumée des grosses pipes, dans la salle
basse où se distraient, par un après-midi
d’hiver, les Pilotes. Ils sont cinq : deux
au fond tirent d’épaisses bouffées de leur
bouffarde; au second plan, appuyé sur la
table, un troisième, assis à contre-jour,
achève le gréement d’un petit bateau qui
fera les délices do son fils. Un quatrième,
au premier plan, considère, tandis que le
dernier nous fait face et bourre avec len-
teur le fourneau de sa pipe flamande.
Magistrale étude de lumière, étude de
types non moins forte, la toile des Pilotes
classe très haut M. Melchers et le place,
avec MM. Dannat et Sargent, à la tète des
artistes yankees.
Élève de Bonnat, M. Walter Gay n’a de
son maître ni l’amour exclusif du portrait
ni les colorations parfois trop brutales; il
aime la lumière douce et blanchâtre qui
filtre par les fenêtres, au travers dos
blancs rideaux de calicot. Son Tisserand,
scs Pileuses, son Rat de bibliothèque
sont d'excellentes études de morceaux;
mais co qui fait de lui un artiste hors de
pair, c’est l’émotion contenue dont il
imprègne ses rustiques tableaux d inté-
rieur, la Charité et le Bénédicité. Ici,
c’est une vieille paysanne en marmotte,
en fichu blanc, en caraco foncé, en jupe
grise. Joignant les deux mains sur la table
où fume dans une écuelle brune sa soupe,
elle baisse humblement la tète et, dans un
profond recueillement, dit ses grâces. Là,
c’est un vieux vagabond, vêtu d’une
blouse déteinte, qui dévore le repas servi
par la même vieille. Non seulement les
deux sujets se ressemblent, mais ici et là
le cadre est le même, un énorme vitrage
où, par-dessus les courts rideaux de mous-
seline, s’entrevoient des toits déjetés, un
lourd clocher de village. Nous n’en ferons
pas un crime à l’artiste ; mais il serait pré-
férable d’éviter le reproche de recom-
mencer d’année en année lemême tableau.
M. Alexandre Harrison est entré dans
la célébrité d’un coup brusque, avec son
Arcadie exposée en 1886 au Salon.
C’était une tentative hardie que de dresser,
sous le dôme verdoyant des grands arbres,
dans une lumière verte traversée par de
larges rayons de soleil d’or, deux corps
blancs, deux corps nus, deux corps sveltes
de jeunes nymphes. M. Harrison y avait
pleinement réussi. On s’attendait, après
l’éclatant succès qu’il obtint, à le voir
entrer résolument dans cette voie, péril-
leuse sans doute, mais si attrayante, du
nu traité dans le plein air. L’artiste n’en
a rien fait; il s’est contenté, en trois ans,
d’envoyer à des expositions très res-
treintes un petit nombre de morceaux
dont quelques-uns avaient grande allure.
De ce nombre est son beau paysage du
Soir. Et depuis, plus rien : une page mari-
lime, très habile, la Vague, et un garçon-
net d’une douzaine d’années couché tout
do son long, au bord de la mer, sur le
dos, et dont l’exécution, à distance, rap-
pelle à s’y méprendre le faire lisse et
soigné à l’excès de M. Bouguereau. Ce
n’est plus là ce que nous attendions de
cet artiste; il est vrai que M. Harrison
est fort jeune et qu’il a le temps de se
refaire une personnalité. Mais sa person-
nalité, il l’avait : pourquoi l’a-t-il égarée ?
(A suim.) Thiébault-Sisson.
LES RÉCOMPENSES AUX EXPOSANTS
LES GRANDS PRIX1
Classe 12. — Épreuves et appareils de photo-
graphie.
Grands prix (suite). — Association belge de
photographie, Belgique. Paul Dujardin, France.
Lumière et ses fils, France. Paul Nadar, France.
United States Geological Survey, États-Unis.
Classe 13. — Instruments de musique.
Grands prix. — Erard et Cie, France. Evette
1. Voir les n“ 3S à 37.