L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
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formes géométriques dans lesquelles l’art,
enserré, étouffe, ils reprennent dans ce
domaine, la liberté entière, absolue, que
leurs institutions politiques et sociales
leur dénient. Habiles à donner un corps
aux rêves, àincarner dans des formes mul-
tiples leur extravagante fantaisie, ils de-
mandent ces formes au fantastique et au
monstrueux, s’écartant volontairement
de la nature, la dépassant et l’outrant en
tous sens, tout en gardant le secret des
contrastes que lui dicte son inépuisable
coloris.
Ce goût du fantastique, vous le, retrouvez,
dans leurs jardins, dans leurs allées si-
nueuses, dans leurs cascades en minia-
ture où ils veulent que l’artiste leur
représente des oiseaux aux ailes éployées
volant dans la poussière d’eau, des
poissons nageant dans l’air, soutenus
par des arbres do bronze. Le goût des
contrastes confinant parfois au teirible,
vous le retrouvez dans lu décoration ar-
chitecturale des palais et des pagodes,
dans les dragons aux gueules béantes,
dans les chimères aux yeux agrandis Jiar-
diment sculptés en plein granit, dans ces
frises de haut relief découpées au fronton
des monuments, dans les tons crus, aveu-
glants dont ils les colorent, passant, sans
transition souvent, du monstrueux et de
l’horrible aux fines dentelles de pierre,
aux motifs délicats et exquis qui reposent
l’œil fatigué d’une impossible orgie de
formes et de couleurs.
Pour eux, noire art est conventionnel et
banal, enfermé dans des cadres qu’ils ont
à tout jamais brisés, astreint à des règles
qu’ils ont depuis longtemps répudiées.
Pour eux, nos institutions politiques et so-
ciales, sans stabilité, sont aussi sans force
et sans prestige. Notre civilisation ne les
a pas entaillés, et le formidable exode qui,
sur tousles points du mon Æe, les pousse en
niasses compactes, n’a raison ni de leurs
préjugés invétérés ni do leurs séculaires
traditions. La Chine se meut avec une
majestueuse lenteur; les idées nouvelles
ont peine, à pénétrer cette masse énorme
qui comprend le quart du genre humain.
Elle s’ébranle peu à peu, sans hâte; son
nombre suffit pour surmonter les ob-
stacles, on dirait qu’elle en a conscience.
On dirait aussi, qu’au rebours de nos
États européens, impatients clans le pré-
sent parce qu’ils doutent de l’avenir, la
Chine, confiante dans ses soixante siècles
d’existence, s’estime à peine dans sa ma-
turité, ne prévoit pas sa décadence et, pa-
tiente parce qu’elle se croit éternelle,
attend tout du temps qui a eu raison de
tout, saut d’elle. C’est, eneffet, une chose
étrange, ccttc civilisation asiatique déjà
si vieille à l’époque où la Grèce naissante
apportait à l’Europe ses premières notions
d’art et de liberté, cet Empire plus ancien
qu’aucun de ceux dont le nom est venu
jusqu’à nous, qui seul demeure debout,
avec ses lois, ses coutumes, ses traditions
et ses annales, alors que le sable du désert
recouvre les vieux empires égyptiens et
que le sol de notre Europe est jonché
des ruines de royaumes puissants, dé-
truits et remplacés depuis des siècles.
Quel rôle la Chine est-elle appelée à
jouer dans les destinées do l’humanité?
Détient-elle derrière ses frontières le se-
cret do Fa venir? Son étonnante longévité
cache-t-elle une irrémédiable décadence?
S’écroulera-t-elle sous les coups de l’Eu-
rope comme un vieux bâtiment qui s’ef-
fondre; ou bien cos masses profondes
viendront-elles un jour, comme les Bar-
bares dans le inonde romain, submerger
les royaumes éphémères do l’Europe,
sous la conduite d'un nouveau Gengis-
Khan?
En renversant les barrières qui la sépa-
raient du reste du monde, l’Angleterre, la
France cl. les États-Unis ont ouvert à cette
immense agglomération d’hommes une
•porte que nul ne saurait refermer main-
tenant. Ils étouffaient sur un sol trop
étroit, insuffisant à los nourrir. D’épou-
vantables famines cl des épidémies ter-
ribles rétablissaient, par une mortalité
effrayante, l’équilibre entre une race pro-
lifique à l’excès et une production res-
treinte. Leur horizon, borné à l’enceinte
de la muraille impériale, s’est élargi. Au
delà, ils ont entrevu la mer libre, les
plaines fertiles du continent américain.
Obéissant à l’instinct de la conservation,
ils sont allés chercher hors de leurs fron-
tières ce que le sol leur refusait : la sub-
sistance quotidienne d’abord; puis, par
l’épargne, l'accumulation des capitaux.
Ceux que leur position appelle aux digni-
tés del’État sont venus étudier en Europe
cette civilisation dont la force leur avait
révélé la supériorité matérielle. Ils en
pénètrent les secrets, ils en examinent
les rouages multiples, sans parti pris
d’admiration ou de dénigrement, très
convaincus de leur supériorité intellec-
tuelle, mais aussi tout prêts à nous em-
prunter ce qui peut leur servir. Essen-
tiellement observateurs, ils comprennent
vite et retiennent bien ; ils apprennent en
se jouant et l’un d’eux nous disait : « Notre
civilisation est si ancienne, nos ancêtres
ont tan t accumulé de faits, de découvertes,
d’observations, qu’en Europe il me semble
moins apprendre ce que j’ignorais, que
rapprendre ce que j’avais oublié. »
Et, poiir nous, le jour est proche ou ce
mystérieux Empire du Milieu, fermé pen-
dant tant de siècles, ouvert depuis si peu
d’années, n’aura plus de mystères. Sur les
quais de notre Seine, il étale aujourd’hui
les chefs-d’œuvre de son industrie sécu-
laire, de son incompréhensible génie
artistique : scs tissus merveilleux, ses
ivoires travaillés à la loupe, ses grima-
çantes idoles, ses potiches symboliques,
ses laques d’un velouté profond, ses dra-
gons et ses chimères enlacés, création
d’un rêve asiatique. Devant ces auda-
cieuses productions d’une imagination
que la nôtre ne, peut suivre et comprendre
dans ses évolutions fantastiques, devant
ces énigmatiques et souriants fils du Ciel,
aux yeux obliques et aux traits affinés,
qui passent sans bruit dans leurs babou-
ches feutrées et leurs épaisses tuniques do
soie, ce que nous voyons et ce qui passe,
c’est le lien mystérieux qui rattache le
présent au passé. En remontant les an-
nales de ce fils de la vieille Asie, nous dé-
passons ces âges fabuleux dont les légen-
des de notre antiquité n’ont gardé qu’un
souvenir confus, cette antiquité qui lui
semble dater d’hier, à laquelle il n’a rien
emprunté, mais dont le merveilleux éclat
ne fut peut-être qu’un reflet du génie de
nos pères.
C. de Vakigny.
LA NAVIGATION SUR LA SEINE
On a dit que les fleuves étaient des « routes
qui marchent » ; à ce compte, la Seine est une
marcheuse infatigable, car elle ne se repose ni
jour ni nuit.
En dehors des radeaux de bois flottés, des
péniches chargées de charbon, de fûts, de pipes
et de feuillettes, des bateaux qui apportent de
l’Yonne les blés et les farines, des chalands
bourrés de pommes normandes et des embar-
cations qui fournissent à Paris un respectable
contingent de vinaigres, d’huiles, de sucres, de
trois-six, de cafés, de savons, de fourrages, de
-poissons, de métaux, de cotons, de faïences, de
meubles et de papiers, dont le poids dépasse
annuellement 3 milliards de kilogrammes, —
des bachots, lavandières, besognes, marnais,
. loues, flûtes, margotats, yoles, canots, glis-
soirs, etc... sillonnent la Seine sans trôve et
sans relâche.
L’Exposition Universelle de 1867 avait fait
naître une nouvelle industrie fluviale, celle des
Mouches, petits bateaux à vapeur rapides, déjà
employés à Lyon et usités depuis longtemps à
Londres.
On eût pu croire que ce service serait tran-
sitoire et simplement appelé à subvenir aux
exigences d’une circonstance exceptionnelle ;
elle est devenue définitive. Bientôt une seconde
compagnie, celles des Hirondelles, est venue lui
faire concurrence ; les bateaux sont aujourd’hui
à la rivière ce que les omnibus et les tramways
sont à nos rues et à nos boulevards, et ils
ont rendu de grands services à la population
parisienne, qui les a adoptés avec empresse-
ment.
Durant l’Exposition de 1867, du 1er avril an
30 novembre, les Mouches avaient transporté
2,700,000 voyageurs, et, le 30 septembre 1868,
ils avaient reçu plus de 35,000 personnes