L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PARIS
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rendre le fondu que réclame la représen-
tation de l'homme ou même du paysage.
Le papier qui, saupoudré d’or, de drap, de
velours, excelle à donner l’illusion des
brocarts et des étoffes, ne saurait se prer-
ter aux finesses du modelé; elles exigent
le secours du pinceau, l’habileté de la
main. Et l’on peut dire que plus l’effort
aura été grand pour obtenir le résultat
souhaité, plus l’industriel aura réussi à con-
trefaire le peintre, et plus apparaîtra net-
tement l’inanité de la tentative. Le dip-
tyque qu’expose la maison Guillou, les trois
cadresde M. Petitjean, dans lesquels l’exé-
cution atteint son maximum de finesse,
sont autant d’exemples probants. La fi-
gure, le paysage même, pour rester vrai-
ment décoratifs, doivent être traités lar-
gement, sommairement, sans prétention
au tableau peint et au trompe-l’œil. Il faut
que l’artiste se convainque de ces vérités,
et sachebienque l’ornement géométrique,
la flore ornemanière, l’animal, dans son
expression héraldique, sont, en définitive,
les éléments qui conviennent le mieux à
la composition de leurs ouvrages.
Comment juger dès lors les fabricants
dont l’habileté s’applique à imiter diffé-
rentes matières, telles que les cuirs, la
faïence, la moire et les étoffes? Condam-
nerons-nous cette sorte de plagiat? Logi-
quement elle devrait être réprimée. En
art, c’est toujours une faiblesse que de
dissimilier, quelle qu’elle soit, la matière
choisie. Les maîtres s’élèvent avec raison
contre cet abus. « Si, pour une raison
quelconque d’économie ou de rapidité
d’exécution, écrit M- Mayeux, l’imitation
mensongère d’une matière est appelée à
concourir à une œuvre décorative, cotte
imitation ne peut, dans aucun cas, être
considérée artistique. » Dans la spécialité
qui nous occupe, la rigueur de cc prin-
cipe doit être exceptionnellement écartée.
Il faut se souvenir que le papier peint
est essentiellement un art d’imitation et
n’a jamais prétendu à d’autre destinée.
Ce qui peut rendre blâmable une copie,
ce n’est pas la tentative de trucage, mais
son avortement ; et la mémo raison qui
nous a fait condamner los tapisseries man-
quées de M. Petitjean nous oblige à louer
scs heureuses imitations de faïence. De
même devant les panneaux de M. Leroy,
les cuirs de CordouedeMM. Tloock frères,
les étoffes de M. Follot, je ne puis me, dé-
fendre d’une admiration dont Charles
Blanc analyse si justement la cause. « La
beauté du résultat est telle, écrit le
célèbre critique, que la matière première
devient chose indifférente. Dès qu’on peut
avoir lo parfait aspectdela soie, du satin,
du velours, de la laine lissée, du cuir re-
poussé, etc., il importe peu que la sub-
stance soit vraie, puisque la contrefaçon
n’a pas été imaginée cette fois dans l’in-
tention de rançonner l’acheteur, mais au
contraire afin de multiplier ses jouissan-
ces en ménageant ses ressources. Il im-
porte peu au plaisir du sentiment que tel
objet artistement travaillé soit en or massif
ou en cuivre doré, lorsque nous voyons
le prix qu’on attache aux ouvrages en
étain de François Briot. »
Nos contemporains ne pensent pas au-
trement, et parmi eux tout particulière-
ment M. Follot. Dans une conférence
déjà ancieane sur l’industrie dans la-
quelle il a si justement conduis une haute
notoriété, M. Follot constatait avec re-
gret que depuis quelques armées déjà la
décoration do nos murailles se trouvait
reléguée au second plan par l’intrusion
dans le mobilier moderne d’objets d’art,
de meubles, de tableaux dont l'éclat est
mieux relevé par un papier d’une teinte
neutre cl tranquille que par ces tentures
à ramages dont la variété absorbe l’atten-
tion. En homme avisé, il s’ost efforcé de
prévenir le mal qu’il prévoyait ; et l’on
doit constater qu’il a réussi à donner au
papier monochrome toute l’élégance et la
parure qu’il pouvait recevoir.
La série de ses gaufrés, de ses chevil-
lots, de ses imitations de soie, do drap,
ou môme ses simples échantillons unis à
la machine, présentent une variété char-
mante do fonds que la "richesse sobre du
dessin, imprimé ton sur ton, en creux ou
en relief, rend dignes d’encadrer les plus
précieux bibelots.
L’art anglais, aussi vieux que le nôtre,
a fait les mêmes progrès ; mais le tem-
pérament pratique du peuple britannique
le pousse vers d’autres découvertes. En
même temps que la recherche du beau le
séduit, la question d’utilité, de « comfort »
le préoccupe. Il aime les jolis papiers,
mais il les veut durables et salubres,
c’est-à-dire imperméables, faciles à net-
toyer.
Aussi, tandis que chez nous l’uni-
que maison Guillou expose un essai de
cegenre, la section anglaise nous apporte
los modèles les plus variés do papiers
lessivables. C'est F «anaglypta», superbe
décoration imprimée en relief dans la
pâte encore mollo et peinte à l’huile, au
vernis ou laquée ; ce sont les « murali-
ncs » textiles, duro-textiles, emboss-
tapestry.de la maison Fisher, le « tecto-
riuni » des frères Stowy et vingt autres
dont le nom m’échappe. Or, l’on croirait
à tort que ces tentures aux appellations
imagées n’offrent d’autre intérêt que ce-
lui de l’hygiène. Quelques-unes sont
d’une rare splendeur : notamment celles
fabriquées par Woolmans et Wylie and
Locchead que nos plus belles ont peine à
égaler. Dans le mènio ordre d’expérien-
ces, l’Amérique n’ajoute qu’un faible con-
tingent de documents nouveaux. Los pro-
cédés techniques de l’Angleterre s’y re-
trouvent avec quelques essais curieux
orientalismes. Le Portugal n’exhibe
que des vulgarités et il nous faut, en
terminant, (mirer dans la section japo-
naise pour garder do cette promenade
un souvenir exquis. Là fleurit un art
éternellement jeune parce que les hom-
mes qui le produisent n’ont jamais cessé,
à travers les âges, de communier avec la
Nature. Et comme elle est infiniment va-
riée dans ses aspects et dans ses formes,
laféconditéde leurs trouvailles est inépui-
sable. Pour ces amoureux de la création,
tout est sujet à peindre : le poisson dont
l’eau cristalline laisse voiries ébats, l’oi-
seau qui vole ou qui so pose, la mouche.,
le brin d’herbe et les délicieuses fleurs. A
force de regarder, àforce d'aimer les cho-
ses et les êtres, ils en arrivent à saisir avec
une incroyable prestesse de mains leurs
attitudes les plu s fuyantes, leurs plus insen-
sibles mouvements. Et quelle simplicité
d’exécution, quelle précision, quelle har-
diesse! Art vraiment exquis que celui
qui nous charme à si peu de frais. Un
paysage sans perspective, sans horizon,
avec des parterres qui semblent des
bouquets sur des montagnes dressées
comme des étagères, il n’en faut pas
davantage pour nous emprisonner dans
un rêve fleuri ! Ma prédilection pour ces
dilettantes m’entraîne. Du moins que
? nos artistes les visitent.
Ils trouveront près d’eux des émotions
salutaires. Quelques-uns ont déjà ressenti
leur invincible attrait.
J’ai vu (de M. Jouanny) un décor où des
plants de tabac, points largement d’après
nature, poussent sur un fond bleu leur
silhouette décorative, dans lequel, ainsi
que dans certaines contrefaçons de
faïence, l’influence japonaise est claire-
ment lisible. Toutefois l’originalité de
ces œuvres reste complète.
Que l’exemple des Japonais ramène
nos décorateurs à l'observation de la
réalité, qu’ils se souviennent que la
nature doit être la principale source de
leur inspiration. C’est là tout ce qu’on
peut souhaiter.
Un homme d’immense talent et de
science profonde, M. P.-V. Galland, a
hautement compris ccttô vérité, et, grâce
à ses leçons et à ses travaux, nos arts
décoratifs sont définitivement entrés dans
une a oie riche de découvertes, où les
attendent de nombreux et de légitimes
succès.
Armand Dayot.