L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSmON DE PARIS
te
de Cornliill. Ces maisons, assurément très
honorables, ne sauraient revendiquer,
dans le Royaume-Uni, au point de vue de
l’art, le premier rang. Pour nombre d’au-
tres pays, il en est de même, il convrcnt.
donc d’être, en ces jugements, d’une pru-
dence extrême.
Ce qui m’a paru, par contre, très fâ-
cheux, c’est de constater, au point de
vue du goût, la décadence de, la maison
Tiffany, de New-York, dont les envois, en
1878, avaient produit une si vive surprise,
et excité un assez profond intérêt pour
exercer sur la fabrication française une
influence momentanée.
M. Tiffany continue, toutefois, de nous
montrer des produits très personnels.
Mais cette année ces produits sont d’une
lourdeur et d’une inélégance bien attris-
tantes. Ses vases, chargés d’une orne-
mentation épaisse, avec de gros reliefs,
qui font penser à l'orfèvrerie frisonne du
xviiie siècle, pèchent par l’excès même de
cette décoration grossière, qui ne laisse à
l’œil aucun repos.
Le Danemark, qui s’incarne dans la per-
sonne de M. Christesen, de Copenhague,
est aussi peu satisfaisant. La pièce capi-
tale qu’expose cet orfèvre est un énorme
surtout d’argent et vermeil monté sur
une terrasse de marbre noir. L’ensemble
de ce grand ouvrage ne comporte pas
moins do vingt-cinq personnages. Les
Dieux de la Mer qui on font les frais,
prouvent mieux qu’un long discours
combienilest dangereux pour des artistes
inexpérimentés de se mesurer avec un
ouvrage de cette importance. Pour les
pièces d’usage courant, brocs, vidreco-
mes, cafetières, théières, tasses, sucriers,
les ouvrages de M. Christesen rentrent
dans lu classe de la bonne orfèvrerie. Ils
sont passables et rien de plus.
Les deux seules notes originales que
nous ayons rencontrées dans la section
étrangère sont fournies par MM. Herman
Bohn, de Vienne, et par M. Chlebnikoff,
de Pétersbourg. Ce dernier a envoyé au
Champ de Mars, une suite d’ouvrages en
argenterie très massive avec des reliefs
dorés d’un caractère fort particulier et
qui ont une saveur très autochtone. 11
expose aussi des orfèvreries de décora-
tion ornées d’émaux cloisonnés, à des-
sins géométriques d’un grand éclat, où
les harmonies très douces sont cherchées
dans une opposition de bleu cl de vert
très vibrante et très curieuse.
Quant à M. Bohn, c’est moins de l’or-
fèvrerie proprement dite qu’il nous offre
que de la bimbeloterie émaillée sur cui-
vre C est toute une suite de Pend-à-cols,
cl élms de coupes, de cabinets microsco-
piques. Entièrement recouverts de pein-
l iii-cs d une minutie précieuse. On y voit
jusqu’à des petits navires dont les voiles
sont décorées de sujets religieux. Somme
toute, on a dépensé beaucoup de finesse
de pinceau et une certaine dose d’art dans
ces menus ouvrages, sur lesquels deux
beaux cygnes, habillés de lapis-lazuli,
cloisonné dans de l’argent doré, tranchent
par leur ampleur et par leur caractère
hautement décoratif.
Henry Havaud.
A LA CINQUIÈME PLATE-FORME
On ne saurait certainement trop admirer
l’art avec lequel la tour Eiffel a été cons-
truite. Il est impossible de trop féliciter
notre grand ingénieur de la réussite com-
plète de toutes ses savantes combinaisons.
Ce, serait un comble d’ingratitude que
de ne pas proclamer d’une façon énergi-
que que son monument exceptionnel entre
pour beaucoup dans le succès hors ligne
de notre grand centenaire. Toutes les
merveilles de l’Exposition Universelle
seront oubliées depuis longtemps, nous
ne serons plus que poussière, que le sou-
venir do sa tour planera encore sur
l’année 1889.
Peut-être les Américains trouveront-ils
le moyen de faire plus grand; il leur est
défendu de faire plus glorieux... À nous
restera la palme de l’escalade du ciel dans
les siècles futurs. L’œuvre des Pilàtre et
des Montgolfîer a été couronnée d’une
façon digne de l’invention de la naviga-
tion aérienne. C’est dans ce grand Paris
que l'on a trouvé le moyen d’introduire
l’homme dans l’immensité et de réhabiliter
Babel en remplaçant la confusion des
langues par celle des conspirations qui
méditaient la ruine de leur patrie...
Toutefois, il est impossible de ne point
confesser qu’il manque quelque chose
lorsque l’on redescend de la troisième
plate-forme. La satisfaction que l’on
éprouve n’est point entière et sans nuages.
Cette atténuation incontestable du plaisir
de l’ascension, cc regret indéfinissable
a une cause unique, mais puissante, con-
tre laquelle on chercherait vainement à
lutter en achetant des souvenirs au comp-
toir de la troisième plate-forme, en en-
voyant des lettres à ses amis de terre, en
lançant dans l'espace de petits ballons du
Louvre, en expédiant des pigeons voya-
geurs, en décochant des télégrammes, et
même en écrivant furtivement son nom
avec un diamant sur une vitre.
Evidemment, le spectacle que l’on peut
contempler en regardant à travers les
sabords de cette espèce d’entrepont est
admirable ; mais ce n’est pas sans quelque
peine que les regards obliques peuvent
tomber à la dérobée sur ce grand Pans,
sur ses monuments ratatinés, repliés sur
eux-mêmes, ramenés à leur expression la
plus lilliputienne ; franchement, ne dirait-
on pas qu’il se dégage, de cette espèce
d’aplatissement des œuvres du génie hu-
main, comme une sorte de remords?
L’ennemi, le trouble-fète, le rabat-joie,
c’est le plafond qui pèse sur la tête, qui
paralyse, qui intercepte le réveil des
hautes régions, qui empêche la pensée de
s’épanouir en toute splendeur.
Séparée de l’œuvre de Dieu par ce cou-
vercle, que la vue la plus pénétrante ne
saurait perforer, l’âme est, en quelque
sorte, comme abîmée dans la contem-
plation triste de tout ce qui fait, avec tant
de raison, i noire orgueil. Elle ne reçoit
pas ce merveilleux contre-coup qui agran-
dit, épure et moralise. Dans cet espace
étroit, l’inspiration, fille de l’infini, ne
peut développer réellement ses longues
ailes !
Combien est plus noble, plus grandiose,
plus salutaire l’impression lorsque l’on
navigue en plein ciel; alors on contemple
avec satisfaction l’anéantissement de tout
travail humain, parce que l’on voit grandir
en même temps l’ombre de la main di-
vine, de cette main infaillible, immense,
qui fait glisser les mondes le long de leurs
orbites, sans que la moindre trépidation
avertisse les habitants qu’elle entraine
de l’effrayant tourbillonnement qu’ils su-
bissent, de la valse insensée à laquelle ils
se livrent, à leur insu.
Quelle différence entre ce spectacle
restreint, diminué, gêné de la troisième
plate forme et celui qui vous attend dans
la nacelle d’un aérostat mémo captif,
comme les deux globes de MAI. Godard
et Lachambre, qui jettent dans l'espace
deux gigantesques points d’exclamation,
l’un au nord-ouest et l’autre au sud-est
de la grande Exposition.
Hàtons-nous de déclarer bien haut que
cette infériorité de la Tour Eiffel n’est pas
produite par une nécessité physique iné-
luctable. Elle est Je résultat d’une mesure
administrative de la compagnie d’exploi-
tation. Elle provient de ce que ceux qui
vendent la hauteur n’ont pas voulu spé-
culer sur l’infini. Elle cesserait immédia-
tement si l’entrée des étages supérieurs
cessait d’ètre interdite aux visiteurs ordi-
naires, au public payant, à ceux qui ont
déjà mis six millions dans la caisse. Mal-
heureusement, la petite porte qui conduit
au cabinet des physiciens, ne. s'ouvre
même point avec une clef d’or semblable
à celle qui servait pour pénétrer dans la
tour d’airain du palais des rois d Argos,
où Danaé était retenue captive.
Pour parvenir plus haut, il faut grimper
dans ce que l’on nomme le tube, espèce