L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
Søgning i bogen
Den bedste måde at søge i bogen er ved at downloade PDF'en og søge i den.
Derved får du fremhævet ordene visuelt direkte på billedet af siden.
Digitaliseret bog
Bogens tekst er maskinlæst, så der kan være en del fejl og mangler.
255
L’EXPOSITION DE PARIS
LES FÊTES DE L’EXPOSITION
d’un gris brun, bien accentué, est fortement
crevassée et présente des sinuosités qui rappel-
lent fortexactementcellesde la trulïe elle-même.
Un cochon du Périgord s’y tromperait. La
chair de la pomme de terre-truffe est pleine,
dense et fine, d’un goût délicieux, d’un jaune
pur et magnifique.
J’aimerais tout autant qu’elle fût d’un beau
noir, enjolivé de délicates marbrures blanches ;
je désirerais surtout qu’elle répandît le doux
arôme de la truffe, mais elle ne tient de la truffe
qu’une apparence trompeuse, une peau bizarre,
une robe d’emprunt, une parenté chimérique.
On ne parodie pas la truffe!
Peut-être la science humaine arrivera-t-elle
un jour à glisser dans ce nouveau légume quel-
que vague parfum de la truffe des bois. Ce
serait un grand bienfait pour les tables modes-
tes et les fourchettes déshéritées, et c’est de
tous mes vœux que j’appelle l’avènement de la
truffe pour tous. Il y aurait bien, sans doute,
çà et là, quelques cas d'indigestion et de goutte,
mais que de voluptés nouvelles et de joies gas-
tronomiques jusqu’alors inconnues !
La pomme de terre, il est vrai, peut attendre
sans impatience Ce fleuron inespéré de sa bril-
lante couronne. Elle est depuis longtemps le roi
des légumes. Il n’en est pas de plus populaire,
de plus précieux. Ce tubercule souverain nour-
rit le monde; il trône sur toutes les tables, sur
celle du riche comme sur celle du pauvre. Pour
le pauvre, c’est une ressource incomparable;
pour le riche, un mets délicieux.
De même que la rose est en même temps la
plus commune et la plus belle des fleurs, la
pomme de terre est à la fois le plus vulgaire et
Je plus précieux des légumes : c’est la reine des
champs. Et pourtant la pomme de terre n'a rien
de royal dans son aspect : feuillage humble et
(leur sans éclat, elle ne parle point aux regards,
mais son empire est immense, ses bienfaits
incomparables. Là où il y a un champ, elle
règne; là où il y a une table, elle apparaît; là
où il y a une famille, elle nourrit.
Sa robe est brune, sa forme disgracieuse,
son aspect rebutant ; mais, sous sa peau rusti-
que, sous sa robe terreuse, elle recèle la vie.
N’y a-t-il pas, en automne, la récolte de la
pomme de terre comme il y a en été la récolte
des blés? C’est une seconde moisson et, quand
la première a manqué, on se rattrape sur la
seconde. De l’épi noyé par les averses, brûlé
par la sécheresse ou meurtri par l’orage, on se
consolç avec l’opulente pomme de terre.
On a dit que la pomme de terre est un excel-
lent « petit pain tout fait » qui pousse en
terre. C’est Dieu qui l’a pétri. En effet, la pomme
de terre tire d’elle-même tout son mérite. On a
compté plus de deux cents manières d’accom-
moder ce précieux végétal. La meilleure de ces
recettes est peut-être la plus simple : la pomme
de terre cuite sous la cendre. Que le beurre
d’Isigny ou de Gournay lui soit doux en fondant
sur sa chair fumante et ambrée !
La pomme de terre ne se contente pas d’être
un mets excellent par elle-même; elle triomphe
aussi dans une foule de plats dont elle est plutôt
la base que l’accompagnement.
Combien de régions déshéritées n’ont d’autre
ressource que la pomme de terre ! Est-ce que
sans elle la ps'ivre Irlande ne mourrait pas de
faim?
Lorsque, attaquée par une mystérieuse épidé-
mie, la pomme de terre tomba malade et menaça
de disparaître, il y eut dans toute l’Europe
comme un cri de commun effroi, et l’homme
des champs, désolé, appuyé sur sa bêche,
regarda autour de lui, cherchant quel pourrait
bien être le remplaçant de la pomme de terre.
Il ne trouva rien.
La disparition de cette plante bénie serait un
malheur public, une catastrophe agricole, un si
grand deuil pour la cuisine que le monde entier
pourrait attacher un crêpe à sa fourchette!
La pomme de terre a inscrit le nom de Par-
mentier au premier rang des bienfaiteurs de
l’humanité. En écrivant ces lignes, j’ai sous les
yeux une très belle photographie due au peintre
Martinez et représentant la statue que Neuilly
vient d’élever à Parmentier.
Cette habile photographie me rappelle un
souvenir : dans un vaste jardin de mon village
s’élevait jadis, au milieu des lavandes et des
tournesols, un buste ébréché du bon Parmentier.
11 avait pour piédestal une vieille marmite hors
d’usage, et aux quatre coins de la. statuette où
perchaient les fauvettes et les pinsons s’éle-
vaient humblement quatre plants de pommes
de terre.
J’ai vu desstatues de philosophes et de guer-
riers, de conquérants et de rois, je ne me suis
jamais senti ému autant qu’en face de ce buste
champêtre, pas plus haut qu’une table, mais
qui me semblait, avec ses quatre plants de
pommes de terre et sa marmite rouilléc par le
temps, plus grand que les colosses de Versailles
et de Fontainebleau.
Fulbert-Dumonteil.
M. Chautemps monte à la tribune qui a été
installée en face du dais présidentiel, et adresse
à tous les souscripteurs l’hommage de la pro-
fonde gratitude de la ville de Paris. Il exprime
le regret de n’avoir pu donner à « la Liberté
éclairant le monde » un cadre comparable à
celui de la rade de New-York; « du moins, les
flots qui couleront au pied de la statue, comme
les sentiments de tous les Français qui la con-
templeront, se dirigeront-ils vers ce pays ami. »
Le président du Conseil municipal rapproche
ensuite les grandes dates de l’indépendance
américaine de celles de la Révolution française.
Il vante la paix, la liberté, la fraternité, qui
passionnent les républiques, et termine en di-
sant que la présence du Président de la Répu-
blique, qui incarne les sentiments de la France,
suffit à affirmer que la nation entière salue avec
sympathie et respect la République des États-
Unis.
M. Whitelaw-Reid répond qu’il ne serait pas
un bon Américain si, malgré son ignorance de
la langue française, il ne trouvait pas quelques
termes français pour remercier le Président de
la République et la municipalité de Paris, qui
fait un si sympathique accueil à la colonie amé-
ricaine.
« Nous nous souvenons du passé et savons
apprécier le présent! dit-il; nous pouvons ne
pas comprendre les paroles que nous nous
adressons les uns aux autres, mais nous com-
prenons l’un et l’autre que les drapeaux qui
llottent au-dessus de nos têtes resplendissent des
mêmes couleurs de beauté et de gloire, rouge,
blanc, bleu. Ils parlent un langage commun
aux deux nations et sont compris par le monde
entier ; ils nous parlent des champs de bataille
où ils ont partagé un heureux triomphe. Ils
rappellent des noms historiques qui sont nôtres
comme ils sont vôtres : Lafayette et llocham-
1. Voir les n” 69 à 71.
beau. Ils parlent d’une amitié ininterrompue de
cent ans.
« Nous envisageons avec plaisir cette célé-
bration de notre anniversaire du 4 juillet en
France, comme un augure favorable indiquant
que votre République durera aussi longtemps
que la nôtre et se maintiendra toujours.
« Nous sommes fiers de savoir que la ville de
Paris, en dévoilant ce monument de la Liberté
éclairant le monde, célèbre un événement histo-
rique aussi important que le gain de n’importe
quelle bataille ou que l’établissement de n’im-
porte quelle dynastie.
« Je pense que c’est un magnifique triomphe
de la paix et des institutions libérales que
l’Exposition du Champ de "Mars, qui montre les
ressources inépuisables et la superbe prospérité
d’une nation qui travaille avec ardeur à se dé-
velopper comme un peuple libre.
« Nous adressons nos meilleurs remerciements
au Président de la République, à l’éminent ci-
toyen qui contribue par sa présence à rehausser
l’importance et l’éclat de cette cérémonie. Nous
remercions le grand, généreux et libre peuple
français, qui, nous en sommes certains, s’adresse
aujourd'hui par votre bouche à notre pays. »
, Ces paroles articulées d’une voix nette et vi-
brante, avec un accent de conviction communi-
cative, sont fréquemment interrompues et finale-
ment couvertes par des explosions de bravos
auxquels s’associe la foule des promeneurs
massés le long des berges de la Seine.
M. Spuller, ministre des affaires étrangères,
prononce ensuite un discours fort applaudi, et
M. Carnot traverse le pont, à pied, acclamé par
la foule et même pressé par les curieux avides
de voir le chef de l’État. Les cris : « Vive Carnot !
vive la République ! » retentissent de toutes
parts.
Pendant que le Président de la République
retournait à l’Élysée, les invités prenaient place
clans les bateaux pavoisés aux couleurs fran-
çaises et américaines, qui les emmenaient à
l’IIôtel de Ville où un vin d’honneur était pré-
paré. Une réception, empreinte de la plus grande
cordialité, a terminé cette belle fête, dont le ré-
sultat immédiat devait être de rendre encore
plus étroits les liens qui unissent les deux
grandes Républiques de l’univers.
IV
LA FÊTE NATIONALE DU 14 JUILLET
Les Parisiens et leurs innombrables hôtes
venus des départements et de l’étranger éprou-
vèrent un profond sentiment de tristesse, en
mettant le nez à la fenêtre, dans la matinée du
14 juillet. Us avaient rêvé un de ces « soleils
d’Austerlitz » qui doublent l’éclat des fêtes, et
la pluie, une pluie fine et serrée, tombait depuis
l’aube. Mais, comme le peuple n’est plus simple
spectateur, mais bien acteur dans nos fêtes
démocratiques nationales, comme c’est lui qui
arbore les drapeaux, qui dresse les mâts à ori-
flammes, qui suspend les lanternes vénitiennes,
qui improvise les salles de bal en plein air, il
eut bien vite pris son parti de ce contretemps.
Dès huit heures du matin, Paris avait retrouvé
son animation de la veille, et des bandes de
promeneurs se dirigeaient vers l’Exposition,
afin d’assister, l’après-midi, à la revue.
Déjà de nombreuses couronnes avaient été
déposées par les associations d’Alsace-Lorraine,
d’Ivry, de Montrouge, Colmar, etc..., au pied
de la statue de Strasbourg, sur la place de la
Concorde.
Vers dix heures et demie, musique en tète,
s&
■i