L'exposition De Paris 1889
Troisième & quatrième volumes réunis
År: 1889
Forlag: A La Librarie Illustree
Sted: Paris
Sider: 324
UDK: St.f. 061.4(100)Paris
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L’EXPOSITION DE PAKIS
LA MUSIQUE A L’EXPÜSITION
Lorsque, appelée dans un concert ou dans une
soirée, MmB Sarah Bernhardt doit dire une poésie,
elle choisit souvent ce délicieux morceau de la
Légende des siècles, qu’on appelle la chanson d’E-
viradnus; de sa voix mélodieuse, elle donne
d’abord le litre : « un peu de musique », et c’est déjà
comme un doux prélude à la chanson que sa voix
d’or va rythmer... Il semble que les organisateurs
de l’Exposition Universelle se soient rappelé cette
circonstance : eux aussi, ils ont dit, en'ouvrant
le palais du Champ de Mars, non seulement « un
peu » mais « beaucoup » de musique, j'allais écrire
a trop » de musique.
De la musique, on en fait partout : de la musique
sérieuse au Trocadéro ; au Champ de Mars et à
l'Esplanade des Invalides, delà musique gaie, dans
des costumes et avec des instruments pittoresques.
C’est de celle-ci que je veux seulement dire
quelques mots.
Voici d’abord les Serbes. Ils portent la casaque
de drap bleu ouverte sur une chemise blanche, le
long pantalon blanc. Le costume est somptueux.
Les musiciens se groupent avec art, et sur des
instruments à cordes pincées, de toute dimension.
Les Serbes.
Le tambourinaire.
Avec la musique russe, nous revenons dans le
monde slave. Les femmes ont la jupe rouge bordée
d’un galon d'or, le tablier à broderies rouges et
bleues, la petite veste cchancrée très bas, la che-
mise russe, blanche, brodée aux poignets ; au cou,
un collier de pierres multicolores; sur la tête, un
diadème rouge ou blanc, avec broderies d’or. Les
hommes ont la chemise russe, rouge, la veste sans
manches en velours noir, la loque à bordure de ve-
lours rouge foncé et à fond de satin rouge; la plu-
part sont chaussés da hautes bottes. Ils jouent les
suaves mélodies de Glinka et de Tschaikowsky, les
ouvrages français aussi, Carmen surtout. Et, de
leur concert, s’échappe comme un souvenir du
steppe, tendre et rêveur.
Les Lautars roumains sont plus nouveaux pour
nous que los Tziganes de la Hongrie, que, depuis
dix ans, on a vus partout. Comme les Tziganes, ce
sont des bohémiens, mais des bohémiens propres
à la Roumanie. Le prince Bibnsco, ce grand sei-
gneur aimable qui fut l’intelligent initiateur de
l’Exposilion roumaine, nous expliquait ce nom de
Lautar que portent tous ces groupes de musiciens.
Lautar était le nom du chef d’une bande bohé-
mienne, qui s’était rendue célèbre dans toute la
Roumanie par ses chants et sa musique. Les grands
seigneurs, quand ils donnaient une fêle, l’appe-
laient à leur palais. L’un d'eux, un jour, recevait
Liszt : il fit venir Lautar, qui émerveilla le grand
compositeur hongrois. Liszt fut tellement enthou-
siasmé qu’après avoir bu à la santé do Lautar et
avoir rempli, selon l’usage, le verre où il avait
bu de pièces d’or, il se mit au piano et improvisa
une de ses plus belles compositions. Laular écou-
tait, sous le charme... Tout à coup il fit signe à ses
compagnons, qui, prenant leurs instruments et
suivant des yeux leur chef, se mirent à répéter
l’œuvre improvisée par Liszt... L’anecdote est jo-
lie : elle donne une idée de l’instinct musical de
ces bohémiens.
Leur musique n’a pas l’entrain, la verve de celle
des Tziganes de la Hongrie : elle est peüt-être plus
voluptueuse... C’est un plaisir de les voir, avec
leurs vpstons courts, blancs et soutachés de noir
sur le dos, de rouge sur les manches, avec le pan-
talon blanc à raies noires, le gilet soutaehé de
rouge, la ceinture rouge aussi ; ils ont le teint
basané, les yeux noirs, les moustaches fournies, peu
noininés tambouras, ils jouent une musique lente et
mélancolique. Ils chantent aussi en s’accompa-
gnant sur leur tamboura.
De tamboura à tambourinaire, la transition sem-
ble indiquée. Ce n’est pourtant pas la même chose.
Qui ne se souvient de Valmajour, l’immortel tam-
bourinaire si joliment décrit par Alphonse Daudet?
« Vraiment il avait belle mine, sa veste de cadis
jaune sur l'épaule, autour des reins sa taillole
d’un rouge vif tranchant sur l’empois blanc du
linge. Il tenait son long et léger tambourin pendu
au bras gauche par une courroie, et de la main du
même bras portait à ses lèvres un petit fifre pen-
dant que de sa main droite il tambourinait, l'air
crâne, la jambe en avant. Tout petit, ce fifre rem-
plissait l’espaco comme un branle de cigales bien
fait pour cette atmosphère limpide, crislalline, où
tout vibre, tandis que le tambourin, de sa voix
profonde, soutenait le chant et ses fioritures. » Alors
joués peut-être avec trop de solennité (le tambou-
rinaire est aujourd’hui un homme arrivé : on dirait
un élève du Conservatoire), alors défilent la chan-
son de Magali, le Réuèi dei Tambaurinnire, la Fa-
randoulo dei Tarascaire, etc., et quand les petites
notes aiguës des galoubets s’égrènent, soutenues
par les sons des tambourins, tantôt caressés par
la baguette à bout d’ivoire, tantôt frappés à coups
redoublés, on se rappelle encore le fameux mot de
Valmajour : « Ce m’est venu de nuit en écoutant
chanter le rossignol. »